Les toilettes ont toujours été un lieu de choix pour observer les mutations du monde. Un passage rapide dans la gare de Copenhague témoigne des dernières évolutions des lieux d'aisance : l'usager est invité à payer l'accès sur une borne, en espèces "sonnantes et trébuchantes" ou via une multiplicité de cartes bancaires. La machine donne alors accès à un ticket en papier muni d'un code barre classique. Celui-ci devant être scanné par une borne avec un lecteur permettant d'ouvrir un portique très similaire à ceux que l'on trouve dans le métro de diverses villes occidentales. Passé cette étape, une petite poubelle en métal sert à récupérer les tickets usagers. Quelques mètres plus loin, une étendue d'urinoirs (nommés ici "pissoirs") et de toilettes permet de se soulager. Le nettoyage des ces derniers, de même que l'éclairage ou l'usage des robinets, du savon et du sèche-main, étant assurés par des capteurs de mouvements. La sortie des lieux est elle automatique, avec une ouverture du portique via un autre détecteur de présence.
Une dame-pipi mécanique non-anthropomorphique. C'est bien de cela dont il s'agit. Le système est fluide et forme une sorte de micro-système technique très rationnel qui indique à la fois l'existence d'un modèle économique calibré (le prix fixé sur la borne étant le résultat d'un savant calcul lié à toutes sortes de paramètres) et la volonté de faire entrer les gens dans un espace contrôlé (hygiénique et sûr). Le nombre d'étapes impressionne bien qu'il soit finalement très logique puisque chaque phase découle de la précédente. Hormis le ticket, et éventuellement la poignée de porte, il n'y a pas besoin de toucher les objets de cet ensemble.
Mais, comme bien souvent avec la technique, les limites surviennent très vite avec la succession d'exceptions qui m'a été donné de constater : père de famille ne voulant pas payer alors qu'il ne fait qu'accompagner sa fille, gens pressés qui n'ont pas de monnaie ou de carte à portée de main, touristes incrédules dont la carte de débit ne fonctionne pas sur la machine, ticket froissé qui n'est pas reconnu par le capteur, portique qui s'ouvre ou se referme trop vite...
Nous avons affaire ici à l'un des exemples les plus intéressants de la Smart City en devenir. Un lieu dont il faudrait certainement faire une ethnographie plus profonde pour comprendre les enjeux de friction techno-sociales très riches.