Spatial division of labor

Bookmarklets | MOVABLE TYPE French Newspaper Le Monde published a nice analysis of the division of labor among the people working in the European Central Bank in Frankfort.

The article is in french, c'est en français les enfants alors enjoy Au cœur de la Banque centrale européenne LE MONDE | 31.10.03 | 14h03 • MIS A JOUR LE 31.10.03 | 15h53

Depuis son siège de Francfort, la BCE dirige la politique monétaire de l'Union. Son nouveau président, Jean-Claude Trichet, arrive dans une institution puissante mais dont certains des 1 270 salariés doutent.

En s'installant pour huit ans dans le bureau laissé libre par le Néerlandais Wim Duisenberg dans les sommets de l'Eurotower, siège de la Banque centrale européenne (BCE), le Français Jean-Claude Trichet va pouvoir contempler, à près de 150 mètres d'altitude, la ville de Francfort et la verte campagne du Taunus.

Le second président de la BCE, la clef de voûte du Système européen de banques centrales (SEBC), hérite de l'institution qui a conduit l'introduction de l'euro dans la vie quotidienne de plus de 300 millions d'Européens et en a fait la deuxième devise mondiale. La banque n'en est certes plus à l'ère des pionniers, mais il lui reste de beaux projets, à commencer par l'arrivée, le 1er mai 2004, de dix nouveaux pays au sein du SEBC : la République tchèque, l'Estonie, Chypre, la Lettonie, la Lituanie, la Hongrie, Malte, la Pologne, la Slovénie et la Slovaquie, en attendant, quelques années plus tard, la Bulgarie et la Roumanie. Autre échéance importante : le déménagement, prévu pour 2008. La BCE se rapprochera alors des bords du Main, sur le site de l'ancien marché de gros de la ville, où elle compte faire construire un nouveau siège.

En attendant, elle est locataire de deux tours. La première, l'Eurotheum, est une sorte d'annexe. Elle accueille en particulier les services de traduction, où se côtoient deux spécialistes pour chacune des onze langues représentées ici, sauf pour l'anglais, tacitement reconnu comme langue de travail, qui en occupe treize. On y trouve aussi la direction des statistiques (100 salariés), chargée notamment de calculer la balance des paiements de la zone euro.

L'autre tour, celle où M. Trichet prend ses fonctions le 1er novembre, est donc l'Eurotower, le centre névralgique de la BCE. Le bâtiment est gardé comme un coffre-fort. Au fond de l'imposant hall d'entrée, les services de sécurité veillent derrière des cages de verre. Un sas d'entrée barre l'accès aux ascenseurs. Impossible de s'en approcher sans avoir présenté une pièce d'identité. Ensuite, tout visiteur est accompagné jusqu'à son but...

Du 1er au 3e étage : la direction des opérations.

Quatre-vingt-dix personnes mettent en musique la politique monétaire de l'Union. Deux mardis par mois, environ 300 grandes banques internationales transmettent leurs demandes d'euros à leurs banques centrales nationales, qui les envoient ensuite à Francfort. Les banques privées participent ainsi à un système d'enchères centralisé leur permettant d'emprunter, à l'horizon de deux semaines, des billets et des liquidités. Les établissements financiers peuvent aussi emprunter au jour le jour, ce qui est moins avantageux.

La salle des marchés - d'où une intervention directe sur le marché des changes est possible afin de soutenir l'euro ou au contraire de freiner sa progression - est studieuse et aussi silencieuse qu'une bibliothèque, bien qu'elle reste en contact avec ses homologues des banques privées, où règne une ambiance électrique. A la BCE, sa fonction est différente : collecter les informations, analyser, se tenir prête, mais les interventions se sont comptées sur les doigts d'une main ces dernières années.

Dans des locaux à part, une douzaine d'autres salariés placent les fonds propres et les réserves. Avec une stricte séparation, pour ne pas être influencés par les informations sensibles détenues ailleurs dans la tour...

2e étage : le restaurant du personnel.

De quoi parlent les salariés à l'heure du café ? L'époque héroïque de l'introduction de l'euro, où ils travaillaient sans se poser de questions, sous la pression et dans l'urgence, est révolue. La vie professionnelle est désormais consacrée aux problèmes quotidiens d'une banque centrale classique, comme le renouvellement des systèmes de sécurité des billets, imprimés dans les banques centrales nationales. A y regarder de plus près, l'institution est en fait entrée dans une phase plus gestionnaire. Plus monotone aussi. Les bureaux, vastes et biens rangés, se vident plus tôt le soir et le personnel ne cache pas une forme de mal-être au sujet du fonctionnement de l'institution.

Consciente de la situation, la direction a lancé, en début d'année, l'opération "ECB in motion" (BCE en mouvement). Elle a commencé par une vaste enquête du cabinet McKinsey auprès de 614 salariés. Cette enquête interne, dont Le Monde a eu connaissance, confirme l'existence d'un malaise. Il apparaît ainsi que seulement 7 % des salariés interrogés croient que "les décisions de progression de carrière à la BCE sont basées sur le mérite" ; 52 % sont convaincus du contraire (41 % ne se prononcent pas). Seuls 8 % des sondés estiment que "le management de la BCE exerce sa direction avec perspicacité" (46 % d'avis contraire, 46 % sans opinion). Ils sont 9 % à penser que "la BCE est une institution créative et innovante" (42 % d'avis contraire, 49 % sans opinion). Le 20 octobre, lors d'une réunion à huis clos dans la salle Mozart du vieil Opéra de Francfort, Wim Duisenberg a annoncé au personnel une série de mesures : simplification des procédures administratives, meilleure communication interne, évaluation et formation renforcées.

6e-7e étages : les moyens de paiement.

Tous les soirs, à 18 heures, l'ordinateur principal du système de centralisation des paiements de gros montants Target permet de recenser 1 700 milliards d'euros de transactions transfrontières. Target effectue lui-même les règlements pour certains contrats de change et centralise les opérations de 70 autres systèmes. Plus des quatre cinquièmes des grandes transactions en monnaie unique - règlements entre entreprises ou flux financiers liés aux marchés - passent par Target. Un téléphone sécurisé permet d'entrer en contact avec les banques centrales nationales en cas de crise des paiements, par exemple si le système informatique d'une grande banque était endommagé.

9e étage : les services administratifs.

Couloir après couloir, on a beau chercher, il n'y pas trace de panneaux syndicaux. La BCE n'est pas régie par le droit social allemand, mais par le traité d'Amsterdam. La direction reconnaît - par un accord verbal - une seule organisation, l'Union of the Staff of the ECB (USE), un syndicat maison, sans lui accorder de panneaux ou de locaux propres. Elle lui a cependant transmis récemment une proposition de convention fixant son statut. Depuis plusieurs années, l'USE est consultée pour les questions sociales, au côté du staff committee, un organe consultatif élu par le personnel, qui dispose de locaux dans l'Eurotheum (l'annexe). La tentative du syndicat allemand des services Ver.di d'implanter une section de son organisation IPSO (International Public Service Organisation) n'a pas été couronnée de succès. La BCE la juge insuffisamment représentative. En cas de conflit du travail, deux recours internes doivent permettre de trancher. Sans donner de chiffres, le service du personnel reconnaît cependant que seulement une "poignée de salariés" ont déjà obtenu gain de cause. Ensuite, l'instance d'appel est la Cour européenne de Luxembourg

12e étage : le service du personnel.

Sur les murs des couloirs, quelques jolies photos de Paris et d'ailleurs. Avec l'opération "Hidden Artists" (artistes cachés), les salariés laissent admirer leurs œuvres : dessins, peintures, sculptures ou clichés. Un dérivatif pour les cadres qui se sentent frustrés dans leurs ambitions ? Compte tenu de la structure assez plate de la BCE (17 directeurs, une dizaine d'adjoints et une soixantaine de chefs de division pour 1 270 salariés, 1 400 stagiaires et consultants), les places sont chères dans la hiérarchie. La moitié environ des employés ont été détachés par les Banques centrales nationales ; les autres ont été embauchés en direct ces dernières années. En cinq ans, l'effectif a été multiplié par trois, sans quotas de nationalité.

L'institution ne publie pas de bilan social. Les conditions d'embauche et d'emploi n'ont été formalisées que tardivement, en juin 2001. Le salaire brut varie de 27 744 euros annuels (minimum dans la catégorie A) à 206 760 euros (maximum de la catégorie L), auxquels s'ajoutent 16 % de prime d'expatriation si l'on a changé de pays, 5 % de prime de foyer si l'on ne vit pas seul, 267 euros d'allocations familiales par mois et par enfant jusqu'à 26 ans, etc. Les salariés ont droit au traitement fiscal - avantageux - de l'impôt communautaire. Ils bénéficient enfin de la prise en charge des deux tiers de l'assurance-santé privée, d'un fonds de pension, de crèches, ainsi que de places gratuites à l'école européenne.

16e étage : la "communication".

Quatorze personnes assurent les relations avec la presse, dans onze langues différentes, mais le service compte plus de cinquante personnes qui s'occupent du protocole, de l'accueil des visiteurs (10 000 par an), de la communication interne ou de la librairie. Tous les premiers jeudis du mois, pour le très attendu conseil des gouverneurs, consacré au niveau des taux d'intérêt à court terme, le service communication vit claquemuré et en alerte à partir de 13 heures. Pas question de sortir, de prendre des appels téléphoniques ou d'en passer à quiconque. L'équipe de veille transmet en même temps aux agences de presse, par une ligne téléphonique sécurisée et selon un timing précis, la décision des gouverneurs, sensible pour les marchés.

23e étage : la salle informatique.

La "hot line" (ligne d'urgence en cas de problème informatique) de la BCE, qui répond aux demandes du personnel de 6 heures à 21 heures, fait partie de la direction des systèmes d'information (160 salariés). Avec la tenue plus décontractée des employés et la vue sur les buildings voisins, il flotte comme un parfum newyorkais dans la salle de la "hot line". Cette direction vient d'être réorganisée en trois pôles : projets, opérations-supports et architecture informatique. C'est la conséquence d'un rapport réalisé par le cabinet McKinsey sur la "livraison des systèmes d'information" et notant que "84 % de tous les projets ont été retardés de plus de 60 jours, dont 26 % avec des délais de plus d'un an".

25e étage : la direction des études économiques.

Les 165 collaborateurs de cette division surveillent l'évolution économique et financière de la zone euro ainsi que les données budgétaires et monétaires. Ils préparent des prévisions macroéconomiques sur la zone euro en agrégeant les projections nationales. Surtout, ils donnent chaque mois au conseil des gouverneurs leur vision de l'état de la stabilité des prix dans la zone euro, dont le maintien est le premier objectif de la BCE. Ce rapport est présenté par l'ancien économiste de la Bundesbank, l'influent Otmar Issing, membre du directoire et responsable de la division.

32e étage : le bureau de liaison d'une banque centrale nationale.

Chacune des quinze banques centrales dispose d'un bureau et d'une salle de travail. Les fonctionnaires ne sont que de passage dans ces locaux anonymes. Ceux de la Banque de France offrent pourtant une vue plongeante sur la belle place du Römer, avec son ancien hôtel de ville et ses maisons à colombages.

36e étage : la salle du conseil des gouverneurs.

Tous les premiers jeudis du mois, les gouverneurs des banques centrales et les six membres du directoire de la BCE - dont le président - prennent place autour d'une table ronde en bois clair, discutent et statuent sur les taux d'intérêt à court terme. Le directeur du secrétariat prend des notes.

Un commissaire européen, actuellement l'Espagnol Pedro Solbes, et le président du comité Ecofin, qui réunit les ministres des finances européens, l'Italien Giulio Tremonti, peuvent aussi assister à la réunion, mais sans participer au vote. Des traducteurs sont à leur poste, dans des cabines. Des numéros deux de banques centrales y assistent en retrait. Rien ne filtre. Un communiqué final justifie la décision prise.

Adrien de Tricornot