Bien aimé cette anecdote contée par Daniel de Roulet, d’une discussion avec Philippe Jaccottet (dans son livre Mondialité):
"Malheureusement, nombre de mes contemporains considèrent que cette confrontation avec la science n’est pas une tâche littéraire digne de leur plume et disent : la littérature est la littératue, la science est la science. Je me souviens d’avoir passé, il y a dix ans, un hiver chez des amis qui possédaient une maison à Grignan, jouxtant celle d’un grand poète que je respecte. Je suis allé le trouver, il m’a offert l’apéritif, nous avons parlé de littérature. Aimablement il m’a dit que mon dernier roman, qu’il avait eu la politesse de lire, était trop marqué par mon passé de scientifique. Lui jugeait plus littéraire le passage des semaisons, le frissonnement des feuilles d’olivier. Et non pas l’intelligence artificielle et les robots chirurgicaux que mes personnagent manipulaient. J’ai compris son point de vue, j’ai gardé lke mien. Un whisky plus tard, notre conversation a été interrompue par le manère d’un chat essayant de pénétrer dans la pièce par une petite chatière commandée à distance. Le poète m’a expliqué que le collier de son chat était muni d’une puce électronique du dernier modèle. Elle commandait l’ouverture de la chatière de sorte que seul ce chat, le sien, pouvait pénétrer dans la maison. Pas de chats errans. Et le poète de vanter cette invention si pratique : une chatière électronique. Je n’ai pu m’empêcher de lui faire remarquer la légère ambivalence de son attitude face à la technologie. Je suis allé jusqu’à insinuer que cette nouvauté de langage,chatière électronique, pourrait figurer dans un poème. Il m’a répondu sèchement que la vie est une chose, la technique une autre. Puis nous avons longuement digressé sur la forme des nuages, tandis que le soleil se couchait derrière les oliviers de Grignan."
Bien aimé cette anecdote qui résume sans doute ce qui m’intéresse.